La Pandémie du COVID-19 est une réalité qui s'impose à tous les pays du monde dans tous ses aspects. L’Afrique, notre continent, avec plus 1,3 milliards d’habitants, a été touchée bien après les autres. Vous comprendrez aisément que l’Afrique doit agir, par et pour elle-même, dans un contexte où les pays donateurs classiques qui viennent en sa rescousse pour juguler les crises, sont, malheureusement, les premiers et les plus impactés par le COVID-19.
Le réseau africain d’économie sociale et solidaire (RAESS) a été créé en octobre 2010 au Maroc. Son siège est actuellement à Bamako (Mali) et il compte 17 organisations membres actifs. Son champ d’action est la promotion de l’économie sociale et solidaire à travers le continent en faisant du plaidoyer politique, de la recherche-action et des accompagnements institutionnels à ses membres. Le RAESS est membres du RIPESS qui a des réseaux membres dans tous les continents. L’économie sociale et solidaire et le secteur informel occupent près d’1/3 de la population africaine et constitue l’économie réelle dans ce continent. D’où l’importance de sa prise en compte dans les politiques publiques de développement.
Le moment n’est certes pas favorable à des postures de victimisation mais, en toute conscience, il faut reconnaitre que les pays les plus riches, économiquement et monétairement parlant, obsédés par la course à l’industrialisation, développent tous azimuts des savoirs nouveaux et inventent des technologies qui ne répondent pas forcement aux besoins humains. Ce faisant, la science est à val de route, les déséquilibres écologiques s’aggravent et les systèmes de production protecteurs de l’environnement sont déstructurés;Tous les communs sont mis à mal et les plus fondamentaux, tels que l’eau, sont de plus pollué et quasi inaccessibles par la majorité des populations à cause de leurs coûts.
Paradoxalement, dans ces pays riches, les systèmes de santé et de protection sociale ainsi que les modèles économiques ont montré leur limite dès les premiers moments de la pandémie et, près d’un trimestre après la déclaration des premiers cas, hors de la Chine, ils n’ont pu encore maitriser ni sa propagation ni ses impacts économiques et financiers.
Le Coronavirus n’est, ni plus ni moins, qu’un produit pur et parfait de l’économie ultralibérale et de la mondialisation à outrance au détriment de l’humain et des pays les moins avancés dont la majorité se trouve en Afrique.
Les mesures de protection internationale et continentale impactent très négativement l’Afrique sur les plans économique et financier , d’une part, en limitant les flux d’échanges de biens de consommation, d’équipements et produits destinés aux secteurs productifs et de services dont l’Afrique est importateur net et, d’autres part, en grevant la situation financière en termes, non seulement de perte de devises provenant des matières premières, dont l’Afrique est exportateur net (détérioration des balances commerciales) et de recettes douanières (entrainant des déficits budgétaires impactant directement les appareils d’État et les secteurs sociaux) , mais aussi de poids du service de la dette qui va courir (en l’absence d’annulation ou de moratoire) alors que plusieurs pays seront en récession.
En tant qu’acteurs de l’économie sociale et solidaire et partisans des avantages comparatifs, nous pensons que la situation va contraindre les pays à développer davantage localement les conditions de création de plus de valeur ajoutée et d’emplois à travers la valorisation de leurs fabuleux potentiels de matières premières. On comprend dès lors, l’urgence et l’importance de mettre en oeuvre des stratégies de résilience et d’atténuation des impacts économiques du COVID-19 pour les entreprises, fortement dépendantes de l’importation de leurs matières premières. De par leur grande flexibilité et leur capacité de transformation, surtout agroalimentaire, de distribution de proximité, les entreprises d’économie sociale et solidaire, peuvent être les moteurs de ces stratégies.
On parle ici d’un défi de réussir la transformation structurelle des économies des pays africains fondée sur leur économie réelle.
Au-delà d'une gestion responsable de la situation épidémiologique, les réseaux ont un rôle d’anticipation sur les conséquences du COVID-19 sur le plan macroéconomique, en général, et sur les acteurs et activités de l’économie sociale et solidaire, en particulier, en proposant des modèles qui adéquats pour cette transformation économique porteuse de progrès pour la plus grande les populations africaines pauvres et à revenus modestes.
Les moyens existent pour ce faire quand on sait que les 52 pays atteints par la pandémie en Afrique, ont mobilisé, au titre des mesures de riposte contre le COVID-19, plus de 17 milliards USD (10 400 milliards FCFA) au total, dans l’intervalle de deux mois seulement (Mars-Avril). Ce montant capitalisé et injecté annuellement au niveau des institutions financières continentales suffirait largement à garantir le financement des investissements structurants pour un système sanitaire performant dans ces pays.
Deux exemples à apprécier : le Mali, pays en guerre contre le terrorisme depuis 2012, a positionné 500 milliards FCFA pour soutenir les entreprises les plus impactées, tous secteurs confondus. Le Gabon, un petit pays d’Afrique Centrale, a affecté 300 milliards FCFA au dispositif de riposte contre le COVID-19!
Cela est une leçon apprise que le secteur privé doit mettre en avant, avec la société civile, pour exiger de nouveaux modèles d’investissement et de financement de l’économie en Afrique, qui dépend actuellement à près de 75 % des investissements directs étrangers1 et des dettes extérieures (multi et bilatérales).
Autre leçon apprise, c’est que les faramineuses économies de ressources publiques réalisées sur les missions officielles à tous les niveaux, l’organisation des événements inter gouvernementaux et des spectacles et événements publics peuvent servir au financement des mesures d’accompagnement économique des petites et moyennes entreprises et des acteurs du secteur informel.
Réponses concrètes de solidarité de l'ESS à la situation d'urgence et rôle des réseaux de l'ESS.
Malgré le caractère urgent des réponses, il est mieux indiqué de réaliser une évaluation sommaire des impacts immédiats de la pandémie du Covid-19 sur les secteurs productifs des zones déjà touchées et celles menacées.
Cette évaluation d’appréciation permettra aux réseaux d’économie sociale et solidaire de préparer, en lien avec les dispositifs gouvernementaux et les collectivités territoriales, des plans d’intervention objectifs et bien ciblés avec des solutions innovantes pour la résilience, voir le développement des entreprises d’économie sociale.
Les ripostes classiques des pays passent, entre autres, par des mesures barrières (lavage des mains, port des masques, distanciation sociale;), la réduction des mobilités, la quarantaine ou le confinement total et des appuis économiques surtout aux entreprises impactées. Un confinement total sans mesures d'accompagnement appropriées pour la majorité des populations qui gagne ses revenus au quotidien, surtout dans l'exercice d'activités d'économie sociale et solidaire et informelle est très problématique. Ce sera, à vrai dire différer leur mort.
Dans tous les cas de figure, les acteurs et les entreprises d’économie sociale et solidaire sont les plus impactés et les plus à même d’apporter des solutions soutenables, en termes d’alternatives pour l’accès de la grande majorité des populations aux équipements et produits de protection, aux produits alimentaires courants, et de déplacement et de réorganisation du travail respectant les normes de distanciation sociale.
Concrètement, les entreprises de l’économie sociale et solidaire ont déjà mis en services, à prix modérés, des équipes de lavage des mains, mécanique et intelligents, de gels et de masques fabriqués par les artisans à partir de matériaux locaux (projeter les modèles si possible).
Nos réseaux sont en train de réaliser les actions d’appuis et d’accompagnement suivants pour les acteurs et entreprises d’économie sociale et solidaire:
Le défi pour les réseaux d’économie sociale et solidaire est de prouver, en cette période de crise humanitaire universelle sans précédent, que l'économie sociale et solidaire, sans être une panacée, est le meilleur véhicule pour répondre aux préoccupations de la majeure partie des populations africaines composées majoritairement de femmes et de jeunes.
Notre valeur ajoutée, en tant que réseaux, dans la recherche et la mise en oeuvre de solutions durables contre les impacts négatifs du COVID-19, est de renforcer le plaidoyer pour l'adoption de cadres réglementaires et législatifs ainsi que des politiques publiques et locales en faveur de l'économie sociale et solidaire dans nos pays.
Nous souhaitons une grande protection pour tous les peuples, en général, et les acteurs de l'économie sociale et solidaire, en particulier, à travers des mesures officielles appropriées fondées sur la solidarité et portées par les États, avec l’appui des organismes de coopération de solidarité régionale et internationale et l'accompagnement des réseaux d’acteurs et d’entreprises d’économie sociale et solidaire.
Protégeons-nous et renforçons la solidarité envers les personnes les plus exposés aux effets néfastes du COVID-19.